La ferme du Château de St Etienne de Sermentin

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En surplomb d’un éperon argileux situé sur la ligne de partage d’eau entre la Cèze et L’Ardèche se trouve un ancien Château, habité en continue depuis le XIIIème siècle, voire avant, et jusqu’aux années 1950.

D’abord Château fort médiéval avec sa tour de signalisation, ensuite Seigneurie autonome au XVIIème siècle, il reste toujours lié au hameau portant le même nom. La partie ferme incorporera bien plus tard une magnanerie, tandis que la partie seigneuriale abritera le sépulcre de Melchior Chambon La Rouvière, officier des Grenadiers sous Napoléon. Les murs du Château portent encore les traces de ces innombrables changements d’usage.

Nous souhaitions faire revivre ce lieu chargé d’histoire en restaurant son patrimoine bâti et paysan dans le but d’y transférer notre école de forge et créer un lieu multidisciplinaire.

La restauration du Château et ses terres

Nous sommes en train de transformer ce lieu envoûtant, oublié du monde, ainsi que ses terres en friche en une « ferme modèle » où le partage d’expériences et la transmission de savoir seront les mots d’ordre.

Ce lieu sera une preuve de cohabitation fructueuse entre un havre de biodiversité, une ferme active et un lieu d’échange pour les métiers de l’artisanat.

Vaste espace de partage

Les bâtiments composant ce lieu ont été construits sur une période très longue dont on ignore même le commencement. Ils ont évidemment connu des utilités variées selon le cheptel, la production et les saisons. Plusieurs familles, des dizaines de générations, ont regardé le coucher de soleil depuis cette belle colline après une longue journée de travail.

Par manque de documentation et en raison des nombreux changements d’usage, nous ignorons même la fonction précise de chaque bâtiment. Mais cet ensemble possède un grand potentiel et, à nos yeux, un endroit propice au partage.

Nous invitons donc des porteurs de projets, de disciplines variées, à se joindre à nous pour le restaurer, y habiter et le faire revivre. Plusieurs chantiers participatifs ont déjà permis l’avancement de la restauration de certains bâtiments ainsi que la plantation des arbres pionniers.

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L’hospitalité active pour la sauvegarde de la biodiversité

Les bâtiments étant abandonnés depuis des décennies, un grand nombre de plantes et d’animaux ont élu domicile parmi les murs du Château, au sein des cours et sur les friches. Un couple de faucons Crécerelle a élevé cette année deux oisillons dans le creux d’un mur, les chouettes Effraie passent leurs journées dans la semi-obscurité tout en haut du bâtiment le plus ancien. Une tribu de renards occupe un quartier de terriers sur le versant sud de la colline, près des vestiges vivants de la vigne qui y était cultivée autrefois et les chauves-souris « roupillent » tranquillement le jour au-dessus du tombeau, aujourd’hui vide, de Melchior.

Les champs autour du Château étaient travaillés par des générations de métalliers jusqu’aux années 1950. Après le départ de la dernière famille d’habitants, les terres ont été louées aux paysans des alentours et cultivées jusqu’à 2019. Mais les pratiques agricoles dites "classiques" utilisées jusque-là, ainsi que le manque d’attention ont laissé les terres quasiment stériles. Notre premier élan qui était de continuer à les travailler en alternant labour et semi a rapidement été coupé. Nous avons compris qu’un changement de paradigme était nécessaire.
Nous nous sommes donc tournés vers les pratiques de la permaculture, l'agriculture régénératrice, le non labour et la production raisonnée que nous sommes en train de mettre en application. Il existe plusieurs points communs entre ces différentes méthodes, notamment la préservation de la vie sous toutes ses formes pour une meilleure fertilité du sol et le développement d’un mode de vie durable.

Nous espérons donc encourager tout ce qui est vivant à trouver sa place en parallèle et en collaboration avec les pratiques agricoles, artisanales et sociales qui y prendront racine.
Nous sommes adhérents des associations « Paysans de Nature », « Fermes paysannes et sauvages », « association française d’agroforesterie, AFAF » et d’autres encore afin d’intégrer ce courant de pratiques et choisir ainsi le meilleur moyen d'encourager la vie à revenir sur le lieu. Nous participons également activement au programme « Des Terres et des Ailes » (refuge agricole) de la LPO.

Pour un accueil actif de cette biodiversité, il est nécessaire de préserver les tas de branches, les amas de pierres, les arbres morts sur pied et ceux vaincus, les laisser couchés et ne pas les débiter. Ces derniers en particulier, qui sont en train de revenir à la terre, sont de véritables habitats de vie minuscule et indispensable au cycle du vivant.

Face à cela, il y a l’esthétisme que l’on attend d’un Château : un lieu propre, entretenu, beau, fleuri et accueillant. Le tout étant une preuve de contrôle, de hiérarchie, d’ordre et de dogme.

Mais qu'est-ce que l'esthétisme en réalité ?

Nous n’avons pas l’habitude de l’apercevoir en regardant des tas de branches semi décomposées, de pierres en vrac, de briques fractionnées ou de vieilles tuiles cassées, le tout disséminé de part et d’autre de la propriété. Mais si c’est au sein et grâce à ces mêmes amoncellements que se développe la peuplade de petites bêtes que nous souhaitons inviter, alors, a-t-on intérêt à tout faire disparaître au nom de l’esthétisme ou d’un « ordre » attendu ?

Encore une fois, un changement de paradigme est souhaitable. Revoir notre idée de la beauté au profit de ce qui est utile et nécessaire à la vie. Trouver l’harmonie des lignes dans les ondulations de la folle avoine, apercevoir la beauté dans les souches mortes, intégrer l’idée qu’il faut favoriser les champs non travaillés où une profusion de sauterelles et de mantes religieuses se dérobent sous nos pas.

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Les mesures prises en faveur de l'agroécologie

Pour assouvir notre soif de plantation et celle des terres, plusieurs jeunes arbres ont déjà été introduits dans les friches et nous essayons de redonner vie aux haies très endommagées. Une pépinière d'arbres endémiques a été créée sur le site. Cela nous aidera à déterminer petit à petit quelles essences feront du bien au sol et à la vie animale qui s’y est établie. Il n’est pas simple de concilier les besoins de chacun : ceux des arbres qu’on oblige à pousser dans un sol compacté, ceux des animaux que nous avons l’intention de faire pâturer et ceux des humains qui y vivront prochainement.

La plantation de mûriers, micocouliers, sorbiers des oiseleurs, cornouillers, érables de Montpellier, figuiers, grenadiers et noisetiers, entre autres, est mise en place dans le but de peupler la ferme d'arbres mellifères, fourragers et fruitiers pour la consommation des tous les habitants.

Des mares sont creusées et aménagées afin d’encourager l’installation d’autres formes de vie.
Nous aimerions également consacrer une parcelle à un jardin potager afin d’assurer l’autosuffisance de la ferme.

Pratiques agricoles durables

En ce qui concerne l'agriculture, nous visons des cultures qui demandent le moins de place et le moins de passage de machines possible. Par exemple la culture de Mûriers de Chine dont les gourmands sont récoltés à la main en hiver pour fabriquer du papier de qualité ou encore les Roses de Damas (pour l'extraction de l'huile) qu'on récolte également à la main et qui sont, de plus, très attrayants pour les insectes.

L'idée est de développer une activité rémunératrice tout en créant un ensauvagement de la ferme où les pratiques agricoles permettent le retour des espèces autochtones. Le grand défi sera d’augmenter la capacité du sol à maintenir une vie très variée en incorporant de la matière organique et privilégier ainsi la durabilité des activités du site.

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L'hydrologie régénérative

La première et grande préoccupation de notre projet est la rétention de l'eau. Il faudra créer un système de maintien de vie efficace et économe, tout en observant les principes de l’agriculture écologique, qui cherche à nuire le moins possible aux écosystèmes.

Depuis les années 1950, d’abord en Australie puis aux États-Unis, en Inde et en Égypte, des paysans et des hydrologues ont développé un concept de paysage agricole qui a pour but d’augmenter la capacité des sols à retenir l’eau et éviter ainsi le ruissellement et la perte de leurs couches supérieures qui assure leur fertilité. Cet ensemble de pratiques est défini comme l’hydrologie régénérative et nous sommes en train de l’employer sur nos terres.

Une autorisation pour créer 8 bassins de rétention d'eau collinaire est obtenue pour une surface totale de 1000m². Selon la capacité de stockage de ces bassins nous saurons mener une stratégie de plantation optimale des arbres, la conduite à tenir pour les parcelles labourables et déterminer l’usage des zones restantes.

Lorsque le plan de plantations sera finalisé, nous avons l'intention de semer des prairies permanentes afin de mettre en place une agriculture pérenne, raisonnée et régénératrice en prenant soin d’y intégrer la biodiversité indispensable à notre sens.

 

L’artisanat

Avant d’avoir pris goût à l’agriculture régénératrice, nous sommes tout d’abord des artisans. Notre métier est la forge, et depuis 2005 nous dirigeons notre centre de formation professionnelle à Méjannes le Clap. Mais il est maintenant temps d’orienter progressivement notre vie vers des métiers d’artisanat plus doux et plus favorables à la terre. En effet, notre métier consiste à utiliser des ressources dont l‘extraction et le travail demandent énormément d’énergie fossile.

Tout en préservant notre passion pour le fer forgé et en continuant de promouvoir et d’enseigner une façon économe de fabrication, nous étudions la cultivation d’une « forêt à fibres » en ce lieu.

Notre intérêt se porte vers le Broussonetia Papyrifera, dit « Mûrier à papier » et les divers cultivars de Salix, dit « Osier de vanniers ».

En effet, nous avons découvert que le Broussonetia Papyrifera pousse dans beaucoup de jardins du Gard et même autour des habitations proches du Château en tant qu’arbre d’ornement. Il est possible que les gens méconnaissent son histoire remarquable, étroitement liée à celle de l’homme, et ignorent que les fibres produites par ses rameaux ont servi à la confection de vêtements et de papier très résistants depuis des millénaires. De nos jours, la production de ce papier est l’un des métiers les plus estimés au Japon et en Corée.
La culture de ces deux types d’arbres demande peu de place en raison de leur conduite en forme têtards, dans le même esprit que la vigne mais plus serré sur rang.

D’autres variétés d’arbres et de buissons qui poussent naturellement sur nos terres peuvent fournir des rameaux pour la vannerie, notamment l’olivier sauvage, le mûrier blanc, la ronce et le pin. Les aiguilles de ce dernier sont très appréciées pour la fabrication d’œuvres d’une beauté singulière.

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