Championat du monde de forge a Stia, Italie

Voici une article que nous avons envoyé au magazine Fèvres au retour du superbe événement de forge qui a eu lieu, comme tous les deux ans, dans la ville de Stia , en Toscane.

Pour l'edition 2015 nous avons décidé de former une équipe féminine: Christelle Belliveau, Melanie Bray, Iza Frings et moi (Einat Halevy).

Nous avons été conduites, choyées et encouragées par Shraga Riva et Juliette Aubin.

Ce texte résume brièvement nos sentiments et nos expériences mais tans que vous n’y êtes pas allé voir sur place, vous n'allez pas comprendre....

La polyphonie de Stia

Le 2 Septembre nous avons chargé la voiture en matérielle, vêtements de travail et nos nouvelles t shirts, dessinés par Iza et imprimée exprès pour l’occasion.
Au bout de 12 heures de route, (arête à Florence oblige), nous sommes arrivés à la petite ville de Stia, Italie, pour participer à la XXI édition de la Biennale D’arte Fabrille.

Le nom de cette bourgade, court et simple, sans de quelque chose, sans sur, castillio ou autre signe de prestige, vibre pourtant fortement dans le cœur de nombreux passionnés de fer forgé à travers le monde.

Les lecteurs fidèles de ce magasine ont sûrement lu les reportages écrites sur les éditions des années précédentes et non pas besoin d’explications

Pour les autres j’essaie de résumer, du moins l’aspect historique de cette biennale internationale de fer forgé.

Il était une fois, il y a environs 40 ans, un passionné, fou de fer forgé,
qui a décidé de créer un événement dans sa petite ville et d’y rassembler les quelques forgerons d’art qui persistaient encore en Italie. Il s’appelait Pierre Luigi de La Bordella, l’homme qui a su faire renaître et célébrer cette vielle tradition dans ce lieu improbable.
A l’époque, la situation du métier de forgeron d’art en Italie était assez précaire, comme par tout en Europe occidentale. La métallerie, par sa capacité de fournir du travail rapide et homogène, avait depuis des années prit le dessus sur un métier jugée « romantique ».

Peu de temps après, la biennale de Stia a affirmée sa place comme une rencontre incontournable, mondialement connu et apprécie.

Et nous voila 40 ans après son lancement et tout est intacte : vous trouverez difficilement une rencontre aussi chaleureux, aussi fortement embrassé par le public mais à la fois aussi professionnelle.

Ce qui est de plus remarquable dans ce rencontre est la participation quasi-totale de tous au « championnat du monde de la forge » : les forges, allumées pendant trois jours, permettent aux forgerons venus du monde entier de montrer leur talent sur place. Chaque équipe, ou chaque participant solo, ont trois heures à leur disposition pour montrer leur talent sur un projet
selon une thème défini par les organisateurs et annoncé un mois avant le concours. Tous travaux sont exposés devant le public et sont évalués par un jury composee de maitres forgerons et aussi des professionnels dans le monde d’art, et de designe, de l'Italie et d’ailleurs.

Des conférences organisées avec les membres du jury, une espace vaste des stands de forgerons d’art, une exposition des ouvres des éditions précédents et d’autres événements font de ce rencontre une expérience totale.

Pour ma part, je suis une adepte de longue date de cette célébration de la forge. Ma première participation date de 1997 et je fus saisi immédiatement d’enthousiasme et de gratitude.

Cette fois c’était une autre histoire : je ne suis pas venu pour participer en solo mais avec un group d'élèves de notre école Fer à modeler. Shraga Riva et moi ont décidé qu’il était temps d'ouvrir les yeux de nos élèves et les faire découvrir la voie vers la création à travers un spectacle aussi riche en articles et ouvres forgé de toutes genre. Nous sommes aussi allés pour montrer et célébrer la technique que nous pratiquons dans notre école en France, la technique qui nous permet à travailler avec des gestes précises, des outils adéquats et en conséquence, moins de force. Le thème cette année était masques et marionnettes et je laisse la place à mes courageuses collègues d’aventure pour qu’elle raconte leur premier rencontre avec la fièvre de la forge à l’échelle mondiale et la création du masque que nous avons réalisee ensemble:

Mélanie Bray raconte:

"C'est au printemps de cette année, lorsque je suis retournée faire un stage de maîtrise chez Fer à Modeler, qu'Einat, notre formatrice, nous a proposé de créer une équipe féminine pour l'évènement Stia. Cette proposition m'a tout de suite plu, tant sur le fait de pouvoir forger "au féminin" que sur le défit que cela représentait.
Nous ne savions au départ si nous allions participer au concours mondial ou si nous proposerions un projet pour une démonstration. Cette dernière n'étant pas réalisable, il ne nous restait plus qu'à participer au concours! Un mois avant le thème sort, chacune d'entre nous réfléchit sur un projet, de nombreux mails s'échangent puis le départ pour Stia est là et la pression commence à monter...
Nous nous retrouvons au complet dans ce petit village perché dans les montagnes, heureux et heureuses d'être là, ensemble.
Puis tout s'enchaîne très vite... Le jeudi matin nous nous inscrivons, nous forgeons le soir même. Les seize forges sont prêtent à nous accueillirent, tout est si calme sur cette place que j'ai du mal à réaliser ce qui nous attend.
Avant le concours nous nous regroupons afin de bien définir les rôles de chacune et échanger sur les questions techniques, puis direction la piazza. Mon stress est à son paroxysme! La sonnerie retentie... Les 10 premières minutes je prends mes marques: le feu, le matériel, l'enclume, puis très vite plus rien n'existe autour de nous.
Christelle et moi devons réaliser les pics de notre hérisson tandis qu'Einat et Iza forment la visage.
Les 3h passent très vite, un peu avant la fin nous savons que nous ne pourrons terminer dans le temps imparti, la sonnerie retenti, il nous faut encore assembler nos pièces. A ce moment ma plus grande question est si nous pourrons tout de même finir notre projet? La réponse ne se fait pas attendre, nous pouvons. Nous avons du gagner la sympathie des responsables de l'arène. Derniers assemblages, derniers ajustements, notre masque est fini, nous le présentons au public est là je suis fière, fière d'être là, de l'avoir fait et surtout très émue d'entendre les applaudissements et de voir le sourire de mes quo équipières!
En venant et participant à Stia, j’appréhendai de me retrouver dans une ambiance ou règnent majoritairement l'esprit de compétition et l'individualisme, au contraire, l'accueil et l'ambiance y était familiale et chaleureuse, les participants, organisateurs et villageois étaient heureux de se retrouver ici sur cette place, afin de partager une passion, un intérêt commun.
Pendant ces 4 jours, nous avons pu observer, échanger, apprendre, aller et venir au son des enclumes... tout est mis en œuvre afin que chacun puisse en profiter un maximum: conférences, démonstrations, expositions et même un atelier découverte pour les enfants... La forge accessible à tous!
Stia a était pour ma part une très belle découverte au niveau humain et technique. Rdv dans 2 ans!"

La version d'Iza Frings:

"En tant que novice de la pratique et du monde de la Forge d'Art et carrément étrangère à ce que pouvait bien être un championnat mondial de cette pratique, je voudrais partager mes impressions par rapport à la "Biennale d'Arte Fabrile" de Stia à laquelle j'ai participé avec le centre de formation professionnel "Fer à modeler".

Dés le premier jour, les premières retrouvailles se font belles à observer entre les forgerons, venus du monde entier, heureux de se retrouver avec la joie de passer plusieurs jours ensemble autour des forges. Einat, notre maître forgerone se fait accueillir comme il se doit, avec beaucoup d'enthousiasme. En effet, le centre "Fer à modeler" n'était pas retourné à Stia depuis 10 ans, ce qui le rendait assez attendu apparemment. Des regards et des sourires timides mais intéressés se baladent autour des cabanons en bois placé sur la piazza devant lesquels nous faisons la queue pour les inscriptions. J'ai pu ressentir de suite que le climat se promettait riche de rencontres et d'échanges passionnants entre tous ces gens rassemblés dans ce petit village de Toscane pour la même passion.

Je me balade sur la piazza et observe les 16 forges et enclumes qui sont encore froides et calmes en attendant la tempête qui ne va pas tarder à s'abattre sur elles pendant les prochains jours. J'essaye d'imaginer cette petite place bien calme comme elle doit l'être au quotidien avec ses vieilles personnes regardant les temps passer, assis sur les bancs en fer forgés et à côté des sculptures en fer qui décorent tout le village. Ça y est c'est à notre tour pour les inscriptions, nous choisissons la première session, histoire de calmer directement le stress qui commence déjà à nous monter dans le ventre. Petit détour par la maison que nous occupons, sur les hauteurs du village, pour un petit briefing avec l'équipe de filles et nous voilà déjà dans le bain.
Cette fois les forges sont allumées, beaucoup de gens s'agglutinent devant elles, les estrades se remplissent de monde. Nous attendons le coup de sonnerie pour nous lancer gentiment dans notre projet de masque de hérisson qu'on a surnomme "Herrison Ford" pour son aspect menacant. Mélanie et Christelle chauffent leurs premiers fers, elles ont 16 longues pointes à faire pendant que Einat et moi nous occupons de la découpe et du modelage de notre masque. A ce moment je suis très impressionnée par ce que je suis en train de faire et essaye de ne pas me dire que je suis peut être observée par les plus grands forgerons du monde, je préfère donc me concentrer sur ce que je tiens entre les main et me greffe à Einat qui gère pour créer une bulle autour de moi et oublier presque l'extérieur. Les trois heures passent évidement à une vitesse folle et nous parvenons dans un calme relatif à terminer notre projet. Le soulagement se fait sentir et la bulle s'ouvre pour moi en entendant le public nous applaudir et les appareils photos se braquer sur nous. Apparemment, notre équipe a retenu l'attention de tous ces gens à nous suivre jusqu'au bout, ce qui crée des moments forts d'émotions pour nous quatre, aux visages bien noirs et dégoulinants de soulagement et de sueur

Les jours suivants, je me suis régalée à observer les dizaines d'équipes passer par cette même épreuve. J'ai été passionnée à voir travailler certains forgerons de manière intelligente, interpellée par d'autres de travailler de manière plus brutale et encore effrayée de voir des forgerons travailler en short et sandales. Je pense que l'observation de toutes ces techniques m'a fait un concentré de ce qu'est la Forge d'Art et m'a permis d'apprendre énormément de choses.
Après 3 jours d'immersion intense dans le fer forgé, nous décidons de re-participer à l'épreuve, cette fois juste Einat et moi, la confiance en moi avait prit du grade et je me suis régalée une fois de plus à travailler, toujours impressionnée mais plus relax et fière d'être avec une telle partenaire. Je pense que nous nous en sommes très bien sortie encore, avec un deuxième projet de masque "loup de mer" qui reflète l'aboutissement de notre aventure à Stia. Une équipe féminine est attendue dans un milieu masculin et nous pouvons être fière d'avoir réussi à prendre notre place de manière honorable, à notre image, calme et assez simple.
C'est avec grand enthousiasme que je renouvellerai ma participation à cet événement riche à tous points de vue, que ça soit au niveau de l'organisation, que du prestige ou de la qualité des exposants et événements

Sur la route de retour donc, inondée d’émotions après tous ces rencontres, je me suis posé la question suivante : qu’est ce que le secret de ce lieu? D’où tire-t-elle cette communa di Stia sa capacité d’accueillir tant de piqués du feu et de servir comme écran pour le meilleur, à savoir, quand même, le coté humain de tout ça ?

Comment font les organisateurs, Monica, Luca et leur équipe - 150 pendant la biennale- de rester aussi souriants et d’évoquer en nous un tel enthousiasme ? Une jubilation qui amène même les forgerons d’art les plus affirmés, qui ont déjà tout vu,
qui n’ont depuis belle lurette rien à prouver a personne, c’est quoi qui leur pousse à saisir le marteau, plonger dans l’arène et battre le fer au delà de minuit?
Il me semble que le pluralisme, le mélange de niveaux et la manque total d’identification par statut professionnelle sont pour beaucoup dans cette envie de participer activement et de jouer le jeu. Tous le monde peu s’inscrire et il n’y a pas de dessins à fournir au préalable. Confiance total et pas de questions posées. On peut imaginer qu’un telle laisser aller composera un tohu-bohu esthétique et que les résultats seront médiocres. Mais, comme une prairie de montagne où on laisse la nature faire son entretien et créer sa propre sélection, l’harmonie est vraiment dans la diversité.

Un autre élément important dans la réussite de cet événement est la fidélité. C’est simple mais c’est complexe. C’est une vrais fidélité mutuelle: parce que la population locale montre aussi son appréciation évidente et sa sensibilité vers la fidélité et la confiance montrées par des Australiens, Américains, Tchèques, Israéliens etc., qui se pointent, telle des oiseaux migratoires un peu fous et un point bruyants, tout les deux ans dans leur petite bourgade paisible. C’est donc une vibration, un écho à l’infini entre les deux mondes. La ville est en fête et nous nous sentons comme la raison à célébrer. Ajoutons la bonne gelateria à l'angle de la piazza Mazzini et nous avons la recette parfaite.

Mes pensés divaguent de nouveau vers Pierre Luigi : De quelle façon démarre-t-on quelque chose pour que, 40 ans plus tard, l’intensité des flammes ne cesse d’augmenter ? Espérons que cela dure et prolifère et sert comme exemple d’un succès qui ne dépend pas que d’argent mais plut tôt d’une vraie passion et de la fierté local dans le bon sens.